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Evolution, optique, Education

Evolution de l'oeil

  • Frise chronologique 


  • Introduction

La prodigieuse complexité de l’appareil oculaire peut sembler constituer un défi insurmontable pour le processus de sélection naturelle qu’est l’évolution, à tel point qu’il a souvent été utilisé comme exemple de « complexité irréductible » par les néo-créationnistes afin de rendre caduque la théorie de l’evolution. Comment le «hasard » a-t-il pu aboutir à un agencement si méticuleux de cellules et de protéines capable de capter les images avec une si haute précision ?
En réalité le développement d’un appareil visuel est une conséquence quasi mathématique d’un processus de sélection naturelle, car il est orienté par un des stimuli les plus puissants pour la survie : la lumière.
De nombreuses études ont été menées pour retracer ce long et sinueux parcours qui a produit l’immense panel d’appareils visuels que nous connaissons. La méthodologie n’est pas simple, d’une part les fossiles ne peuvent apporter que des éléments d’information très partiels dans la mesure où les yeux etant un tissu mou, ils ne sont quasiment jamais conservés, d’autre part la phylogenèse n’est pas un chemin linéaire et les voies sont multiples pour aboutir parfois au même résultat (phénomène de convergence). Heureusement il existe toujours actuellement de nombreuses espèces qui n’ont subi que très peu de modifications par rapport à leurs ancêtres datant d’il y a plusieurs centaines de millions d’années. Ce sont ces espèces, témoins des temps passés, qui ont permis de retracer de manière globale les grandes étapes qui ont permis le développement de l’œil et sa diversification.
Cette page expose les grands stades de l’évolution de l’œil, l’histoire commence avec l’apparition des premières cellules dans le bouillon primitif il y a 4 milliards d’années…


1 - De l’Archéen au Phanérozoïque : émergence lumineuse

L’univers compte des centaines de milliards de galaxies. Dans chacune brille cent milliards d’étoiles. Et selon les donnée scientifiques acutelles, la moitié d’entre elle seraient entourées de plusieurs planètes. En plus de la terre il existe au moins 10 000 milliards de milliards de mondes. Pourtant il est possible que sur aucun autre corps céleste n’ait eut lieu cette extraordinaire interaction de la matière qui a abouti à la vie. Peut-être ne saura-t-on jamais si la terre a un équivalent dans l’immensité de l’espace. Une seule certitude, il y a 4 milliards d’année, un évènement très improbable est survenu, selon un processus extrêmement complexe. Des molécules inertes se sont agencées par des réactions chimiques pour constituer les premiers éléments constitutifs du vivant, les acides aminés pour les protéines, les nucléotides pour l’ARN et l’ADN, les sucres les acides gras. Ces éléments se sont ensuite réunis (probablement au sein des alvéoles des cheminées rocheuses sous-marines à l’abri des UV) pour former les premières cellules vivantes.

Le premier témoignage de la possibilité de percevoir la lumière et d’induire une réponse nous est livrée par les êtres procaryotes (cellules sans noyau). Ces premières cellules étaient probablement sédentaires, la mobilité constituait alors une étape innovatrice majeure et cela nécessitait une source d’énergie.

La rhodopsine est composé d’un dérivé de la vitamine A, le rétinal et d’une protéine appelé opsine qui réagit lorsqu’elle rencontre un photon de lumière d’une longueur d’onde précise. Ce complexe est une pompe à proton c’est-à-dire qu’il est capable de faire office d’aspirateur d’ions H+. Si une cellule a, par chance, incorporé ce complexe a sa membrane, elle devient alors capable de stocker de l’énergie sous la forme d’un gradient électrochimique entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule.

Au début de l’Archéen les rayons UV du soleil inondaient la surface terrestre puisqu’il n’y avait pas d’oxygène (O2) et donc pas de couche d’ozone (O3) pour les bloquer. Ce rayonnement est toxique pour les cellules mais il est également une source d’énergie inépuisable qui peut activer ou accélérer des réactions chimiques. Les premières cellules vivantes ont donc dû faire face au challenge de transformer cette lumière en énergie tout en limitant les dégâts cellulaires. C’est alors qu’apparaissent les cryptochromes, ces protéines utilisent la lumière bleue pour réparer l’ADN et l’ARN. Elles servaient également à réguler le rythme circadien et on les retrouve dans l’ensemble du règne animal.

De tout le spectre électromagnétique d’énergie atteignant la terre, pourquoi la vie a-t-elle sélectionné cette étroite fenêtre de longueurs d’ondes allant du visible à l’ultraviolet ?

La vie a commencé dans l’eau, les trop grandes longueurs d’onde tout d’abord ne sont pas adaptés à la taille des cellules et sont trop peu énergétiques pour procurer suffisamment de puissance utile aux cellules. Et de l’autre côté du spectre, les faibles longueurs d’onde proche des UV et du bleu sont trop énergétique et ont tendance à abimer les cellules. Enfin ces longueurs d’onde étaient tout simplement celles qui pénétraient le plus dans un milieu aqueux ce sont elles que recevaient en majorité les premiers êtres vivants (Cf spectre d’absorption de l’eau).



Spectre d'absorption du dihydroxyde d'oxygene (H20)


Pendant des millions d’années vont alors se développer de nouveaux types d’opsines et de chromophores qui vont se diffuser aux cellules bactériennes et aux eucaryotes. Les gènes basiques codant pour ces molécules ont donc émergé dans les quelques premiers cents millions d’années après l’apparition de la vie, ces gènes incluaient une forme primitive de ce que l’on nomme aujourd’hui le groupe « Pax », et notamment le gène Pax 6 qui est conservé dans toute la lignée métazoaire et qui est indispensable à la formation de l’œil (les mutations de ce gène chez l’homme sont d’ailleurs responsables de plusieurs anomalies congénitales tels que les anridies ou les glaucomes congénitaux).


Le premier système sensoriel traitait des informations brutes, ne nécessitant pas d’analyse complexe. La catégorisation, l’analyse et le stockage de ces informations vint plus tard. L’outil qui nous sert à traiter l’image aujourd’hui est le cerveau, le développement d’un système de recueil de la lumière plus complexe a parfaitement pu être le moteur du développement d’un système de recueil et d’analyse des informations. Mais ce système a mis du temps à se développer, au début, une simple action reflexe à un stimulus lumineux suffisait.


Le processus de formation d’un œil commence avec les être multicellulaires et l’apparition de cellules « photorécéptrices » possédant dans leurs membranes les protéines photosensibles. Ces cellules photo réceptrices étaient plus efficaces si elles avaient un moyen de bloquer la dispersion de lumière. Ces photons dispersés pourraient stimuler des cellules adjacentes et ainsi éliminer la résolution spatiale. C’est donc probablement pour cette raison que se sont développé de façon concomitante des cellules pigmentés qui stoppent les rayons lumineux évitent ainsi la dispersion. Ces cellules se sont donc réunies pour former un « ocelle ». Une fois cet ocelle formé, deux mécanismes sont possible pour acquérir la capacité à capter les données spatiales d’une image : une invagination pour former un puit ou une évagination pour former un bombement. Lorsqu’une invagination se forme on parle d’œil « camera-style », lorsqu’il se forme une évagination on parlera « d’œil composé ».



2 – L’explosion photonique du Cambrien

Le premier œil à proprement parler est probablement apparu bien avant le Cambrien mais le manque de fossile ne permet pas d’en être certain. Si des candidats probables existent les premiers fossiles présentant un œil de façon non équivoque sont des fossiles de trilobite.

Les trilobites apparurent il y a 540 millions d’années dans les océans, leur système optique est particulièrement bien compris aujourd’hui. Au XVIIe siècle, deux brillants scientifiques réussirent (Huygens et Descartes, voir « histoire de l’optique ») à résoudre le problème d’aberration sphérique dans une lentille, ce qu’ils ignoraient c’est que la nature s’en était déjà chargée des centaines de millions d’années plus tôt.

Cet œil composé consistait en de multiples ommatidies agencées selon un schéma hexagonale. Ces ommatidies étaient recouvertes d’une couche de calcite qui constituait en essence une « cornée ». Cette cornée était composée de deux lentilles accolées, une première de forme sphérique et une seconde en forme de creux de vague, c’est cette deuxième lentille qui corrige les aberrations sphériques de la première en ramenant les rayons périphériques sur le même foyer que les rayons  plus centraux. Ce design remarquable produisait probablement une image assez nette sur des cellules rétiniennes contenant un seul pigment visuel. Ces animaux voyaient donc en noir et blanc et dans l’obscurité.  L’arrangement de ce système à double lentille a ensuite évolué en augmentant le contraste et la sensibilité par réduction du nombre f de l’œil.



Le nombre f

Le nombre f, ou ouverture, est le rapport de la longueur focale d’une lentille sur son diamètre. Plus le nombre f est grand, plus il faudra de photon pour créer une image et inversement. Sur un appareil photo on peut varier le diaphragme de l’objectif (donc le diamètre à l’entrée) pour modifier ce nombre et ainsi jouer sur la profondeur de champ et l’exposition.





Limulus Polyphemus : La limule, cet animal qui pourrait tout droit sortir d’un film d’alien  possède un œil composé de multiples ommatidies hexagonales dont le design ressemble fortement à ceux des probables premier yeux composés

Le developpement de l’œil composé

L’évolution a pourvu l’ensemble du vivant de plus de variations morphologiques qu’il est possible d’imaginer. L’œil composé se développe assez tôt dans le règne aquatique et il se décompose principalement en deux formes : l’œil par apposition et par superposition.

  • L'oei par apposition


Chaque ommatidie est recouverte d’une « cornée » qui fait converger la lumière sur un cône de crystalline lui-même entouré de cellules pigmentés qui évite la propagation de la lumière à l’ommatidie adjacente. Les cellules réceptrices, plus profondes, sont organisées dans une architecture spécifique appelé rhabdome. Celui-ci contient le pigment visuel qui réagit à la lumière et transmet le message au cerveau. Il se comporte comme une fibre optique et guide la lumière, il ne peut donc y’avoir de discrimination spatiale dans une ommatidie puisque la lumière est canalisée. Par conséquence la discrimination spatiale sera déterminée par la distance entre deux ommatidies et c’est le cerveau qui construira une image à partir de tous ces « pixels ».




Odontodactylus scyllarus : Le stomatopoda est au sommet de l’évolution de l’œil composé, ses yeux possèdent une bande horizontale de six rangées d’ommatidies qui sont capable d’analyser la polarisation de la lumiere et peuvent réagir aux photons dont la longueur d’onde est dans l’ultraviolet. Il possède au total 16 pigments différents alors que nous n’en avons que 3… Les prouesses de cet œil vont plus loin encore, les 2 groupes d’ommatidies qui sont séparées par la bande horizontale sont orientées de manière à donner une vision stéréoscopique monoculaire. Cette vision quasi Kryptonienne fait de cet animal un prédateur redoutable qui attend patiemment sa proie avant d’utiliser un bras en forme de marteau qui frappe avec une accélération fulgurante et une force de l’ordre d’un tir de pistolet de petit calibre.

  • L'oeil par superposition

Ce design est probablement apparu lorsque certaines espèces ont commencé à occuper les grands fonds marin encore plus obscurs. En effet ce type d’œil a une bien meilleure capacité à récolter la lumière qu’un œil par apposition. La première partie est aussi composée d’une « cornée » et d’une couche crystalline mais il existe ensuite une zone claire (que l’on pourrait apparenter à du vitré) avant les cellules photo réceptrices. Par ailleurs chaque ommatidie est disposée de façon à réunir tous les rayons incidents parallèles en un point au niveau des photorécepteurs.


3 – Ordovicien et Silurien : le cristallin entre en scène

A VENIR